Les marchés financiers sont un théâtre complexe où se mêlent offre, demande et psychologie des investisseurs. Mais sous ces mécanismes apparemment rationnels, deux forces colossales s’affrontent en silence. D’un côté, les lois immuables de l’économie : production, consommation et rareté. De l’autre, les soubresauts imprévisibles de la géopolitique : sanctions, conflits et guerres commerciales. Qui dicte vraiment la volatilité des marchés ? Et sous-estimons-nous l’étroitesse de leurs liens ?

1. Le manuel économique : offre, demande et élasticité des prix

L’économie classique enseigne que les marchés sont régis par la rareté, l’utilité marginale et l’équilibre. Pourtant, les crises réelles défient souvent ces modèles. Exemples :

  • Le pétrole (2022-2024) : Les réductions de production de l’OPEP+ ont contracté l’offre, mais la demande inélastique a amplifié les fluctuations, prouvant qu’une pénurie même minime peut tout bouleverser.
  • Les semi-conducteurs (2021-2023) : L’incapacité à répondre à la demande illustre les délais d’ajustement des industries lourdes en capital.

Leçon : Les marchés suivent les règles économiques… sauf quand la géopolitique les détourne.

2. La géopolitique : le choc exogène ultime

Si l’économie est le manuel, la géopolitique est le joueur qui change les règles en cours de partie. Contrairement aux pénuries naturelles, les décisions politiques sont calculées – et les marchés les intègrent plus vite qu’un rapport de stocks.

  • La crise en mer Rouge (2024) : Les perturbations logistiques n’ont pas réduit l’offre pétrolière mondiale, mais ont allongé les délais, faisant exploser les primes de risque.
  • La guerre technologique sino-américaine (2023-aujourd’hui) : Les restrictions sur les puces avancées visent moins la pénurie que la domination stratégique, créant des chaînes d’approvisionnement parallèles.

La géopolitique ne perturbe pas juste l’offre – elle reconfigure les marchés.

3. Quand économie et géopolitique s’entremêlent : la boucle de rétroaction

Les chocs les plus violents naissent à l’intersection des logiques économiques et politiques :

  • Minerais critiques : Les restrictions chinoises sur le graphite (2023) visaient moins la rareté que le contrôle des batteries électriques.
  • Marchés agricoles : L’interdiction d’exporter le riz en Inde (2023-24) répondait davantage à la crainte inflationniste avant des élections qu’à une réelle pénurie.

Morale : Les mouvements « naturels » des marchés sont souvent politiquement instrumentalisés.

Les deux maîtres du marché

Les marchés ne réagissent pas seulement à l’économie ou à la géopolitique—ils sont pris dans une boucle auto-alimentée où chacun renforce l’autre. La prochaine fois qu’on évoquera des « tensions d’approvisionnement », demandez-vous : Pénurie réelle… ou calcul stratégique ?

Prévisions pour mai 2025 à l’aube d’une nouvelle donne géoéconomique

Alors que le printemps 2025 s’installe, les marchés mondiaux naviguent entre résilience économique et fractures géopolitiques. Un an après les chocs de 2024 (guerre des métaux rares, crise énergétique européenne prolongée), quels risques planent sur mai 2025 ?

1. Énergie : le pétrole sous double pression

Contexte avril 2025 :

  • Prix du Brent : 92 $/baril (+18% depuis janvier, source : ICE Futures)
  • Facteurs clés :
    • Prolongation des coupes OPEP+ jusqu’à fin juin (accord confirmé le 15/04).
    • Nouveaux sabotages de gazoducs en mer Baltique (attribués à des « acteurs non étatiques » par l’UE).

Prévisions mai 2025 :

  • Scénario de base (70%) : Stabilisation autour de 88-95 $ sauf escalade militaire directe Iran-Israël.
  • Risque haussier (25%) : Si conflit ouvert au Liban (réserves stratégiques US déjà à -12% vs 2024, EIA).
  • Levier français : La baisse de la TVA sur les carburants (annoncée le 10/04) pourrait limiter l’impact inflationniste.

2. Agroalimentaire : la bombe à retardement des céréales

  • Blé tendre (Euronext) : 285 €/tonne (+23% en 3 mois).
  • Causes :
    • Sécheresse record en Argentine (-40% de récolte de soja, USDA).
    • Blocus partiel ukrainien (20% des exportations bloquées en avril par le nouveau conflit).

Perspectives mai :

  • Point critique : Les stocks mondiaux de blé couvrent 86 jours (seuil d’alerte : 80 jours, FAO).
  • À surveiller :
    • L’initiative « Couloir vert méditerranéen » (France-Égypte) pour contourner la mer Noire.
    • Une possible intervention de la BCE si l’inflation alimentaire dépasse 6% en zone euro (4,8% en avril).

3. Technologies/métaux rares : l’étau se resserre

Événements clés d’avril :

  • Embargo américain sur les terres rares malaisiennes (15/04, en représailles aux transferts technologiques vers la Chine).
  • Pénurie de gallium (utilisé dans les puces 5G) : stocks à 3 semaines dans l’UE (Commission européenne).

Projections :

  • Effets sur l’industrie :
    • Retards possibles dans la production automobile (Renault a déjà réduit ses objectifs 2025 de 5%).
    • Alternative française : Le projet de mine de lithium en Alsace (début d’exploitation reporté à 2026) ne suffira pas à compenser.

4. Finance : la BCE face au dilemme

Indicateurs avril :

  • Inflation zone euro : 4,1% (hors énergie : 3,7%).
  • Dette française : 113% du PIB (Insee).

Attentes pour mai :

  • Décision clé (8 mai) : La BCE devrait maintenir les taux à 4% malgré la pression allemande (IFO : « risque de stagflation »).
  • Impact Bourse : Le CAC40 pourrait tester 7 800 points (7 450 fin avril) si les résultats tech sont bons (LVMH, Airbus en surperformance).

Conclusion : un équilibre instable

Mai 2025 s’annonce comme un mois charnière où :

  • Les banques centrales tenteront de ne pas étouffer la reprise (croissance UE prévue à +1,2% en 2025, OCDE).
  • Les matières premières resteront le baromètre des tensions mondiales.

Sources : Rapports du FMI sur les matières premières, Perspectives énergétiques de l’AIE, Analyses commerciales de la Banque mondiale, données Bloomberg, Les Échos Markets Live, Banque de France, S&P Global, rapports agricoles UE.