Le charbon, ce vieux monarque de l’énergie, règne encore… mais son trône tremble. Les cours peinent à se relever, les acheteurs se font rares, et les producteurs serrent les dents. Malgré les besoins criants des économies émergentes, le marché mondial vit au ralenti, comme engourdi par une fin de règne annoncée. Analyse d’une déchéance.

Asie : la fin de l’insatiabilité

Pékin joue double jeu. La Chine a approuvé 50,4 GW de nouvelles centrales à charbon en 2023 (Global Energy Monitor), mais les utilise à peine à moitié (Commission énergétique nationale). Résultat ? Des stocks pleins à craquer et des importations qui traînent en hausse de seulement 4,3% (Douanes chinoises, 2025).

L’Inde, elle, serre la ceinture. Grâce à une production domestique record (1,1 milliard de tonnes en 2024-25), New Delhi réduit ses importations de 14% (mjunction, avril 2025). Seules les centrales côtières continuent d’acheter à l’étranger, mais à prix serrés : 115-120 dollars la tonne (Platts).

Les producteurs au bord du gouffre

En Indonésie, 60% des mines perdent de l’argent si les prix descendent sous 90 dollars (Association indonésienne du charbon). En Australie, le Newcastle, référence mondiale, stagne péniblement à 122,45 dollars (ICE Futures).

Quant à la Russie, elle brade son charbon aux Chinois à 83-87 dollars la tonne, soit 38% de moins qu’avant les sanctions européennes (Argus). Un arrangement bénéfique pour Pékin, générant des défis importants pour Moscou.

L’Europe, le gaz et l’effet domino

L’hiver 2024-25 a rappelé une vérité cruelle : quand le gaz flambe (42 €/MWh en janvier, EEX), le charbon revient en grâce (+17% de production, ENTSO-E). Mais l’UE, malgré ces sursauts, importe 23% de moins qu’en 2024 (Eurostat).

En Asie, la moindre tension sur le GNL (16 dollars/MMBtu en février, JKM) fait bondir les importations de charbon. Le Vietnam, par exemple, a accru ses achats de 22% en un mois (Douanes vietnamiennes).

Perspectives : la chute lente mais inéluctable

Les prévisionnistes sont unanimes :

  • 98-108 dollars la tonne en 2025 (AIE)
  • Baisse de 2,3% de la demande mondiale (Banque mondiale)

Les politiques climatiques accélèrent le déclin : les pays de l’OCDE ont quasiment banni tout financement de nouvelles centrales (rapport OCDE 2024). Mais la Chine, elle, continue d’injecter 6,2 milliards de dollars dans des projets à l’étranger (Global Energy Monitor). Le marché est en surcapacité jusqu’en 2026 au moins.

Adieu, Majesté ?

Le charbon ne mourra pas en un jour. Trop de pays en dépendent, trop d’intérêts sont en jeu. Mais son crépuscule, lui, est déjà là. Lent, inégal, parfois contrarié par un hiver rigoureux ou une panique gazière… mais bien réel.

Et comme le murmure un trader à Singapour : « Le roi est mort… vive le roi ? Pas si sûr. »

Sources :

  • Global Energy Monitor, Rapport « Boom and Bust Coal 2023/2024 »
  • Commission Énergétique Nationale Chinoise (CEC), Statistiques d’utilisation des centrales (2023)
  • Douanes Chinoises (GACC), Rapport mensuel sur les importations (Janvier 2025)
  • Ministère du Charbon Indien, Bulletin annuel 2024-2025
  • Eurostat, Données sur le commerce énergétique UE (Mars 2025)
  • Agence Internationale de l’Énergie (AIE), Rapport « Coal Market Update 2025 »
  • Banque Mondiale, Commodity Markets Outlook (Avril 2025)
  • OCDE, Rapport sur les financements des combustibles fossiles (2024)
  • Mjunction (Plateforme indienne), Analyse de marché (Avril 2025)
  • S&P Global Platts, Indice des prix CFR Asie (Mai 2025)
  • ICE Futures, Cours du Newcastle (Mai 2025)
  • Argus Media, Rapport sur les exportations russes (Q1 2025)
  • EEX (European Energy Exchange), Données TTF Gas (Janvier 2025)
  • ENTSO-E, Rapport sur la production électrique UE (Février 2025)
  • Japan-Korea Marker (JKM), Prix spot LNG (Février 2025)
  • Douanes Vietnamiennes, Statistiques commerciales (Mars 2025)
  • Indonesian Coal Mining Association (ICMA), Enquête sur la profitabilité (Mars 2025)
  • Global Energy Monitor (GEM), Base de données des financements chinois