Alors que s’ouvre la seconde moitié du mois de juin, les marchés actions internationaux se trouvent à un point d’inflexion critique. L’indice S&P 500 a récemment franchi le seuil symbolique des 6 000 points, en progression de plus de 12 % depuis le début de l’année, porté par des résultats solides dans le secteur technologique, l’engouement persistant pour l’intelligence artificielle, et l’éloignement du spectre d’une récession immédiate. Mais sous l’euphorie apparente, les tensions se manifestent, et une question se pose aux investisseurs : faut-il continuer à y croire ?
Un calme qui dissimule une concentration des risques
Après les turbulences du mois d’avril, liées notamment à la résurgence des tensions commerciales sino-américaines et à une rhétorique plus ferme de la Réserve fédérale, les marchés ont retrouvé une forme d’élan haussier. Toutefois, cette dynamique repose sur une base étroite : selon Goldman Sachs, plus de 70 % des gains du S&P 500 en 2025 proviennent d’un noyau restreint de sept géants technologiques.
L’analyse historique appelle également à la prudence. Le mois de juin est historiquement l’un des moins dynamiques pour les actions américaines, avec un rendement moyen limité à 0,2 %, selon les données de CFRA Research. Les perspectives semestrielles publiées par Fidelity et Vanguard soulignent une possible stagnation des indices dans une fourchette comprise entre 4 850 et 6 000 points, à mesure que les marchés digèrent les nouvelles données macroéconomiques et les incertitudes budgétaires.
Des bénéfices corrects, mais des valorisations sous tension
Les prévisions de résultats demeurent globalement soutenues : selon FactSet, les entreprises du S&P 500 devraient enregistrer une croissance du bénéfice par action comprise entre 8 et 10 % en 2025, ce qui reste légèrement supérieur à la moyenne décennale. Toutefois, avec un PER prévisionnel dépassant les 21 et un ratio CAPE proche des sommets observés lors de la bulle internet, la pression s’accentue sur les fondamentaux.
« Nous entrons dans une zone de survalorisation critique », alerte Lisa Shalett, directrice des investissements chez Morgan Stanley Wealth Management. « À moins d’un recul plus rapide de l’inflation ou d’une forte surprise sur les bénéfices, les marchés sont aujourd’hui évalués avec un optimisme excessif. »
Cette prudence est partagée par Bank of America dans une note publiée le 10 juin, qui évoque une conjoncture « fragile, façon Boucle d’or », vulnérable à la fois à un ralentissement brutal ou à un resserrement monétaire inattendu.
Vers une rotation stratégique des portefeuilles
Quitter le marché trop tôt pourrait s’avérer coûteux, notamment si les thèmes porteurs – intelligence artificielle, réindustrialisation, infrastructures – continuent à dynamiser certains segments. C’est là que la sélectivité stratégique prend tout son sens.
Les valeurs à petite capitalisation, notamment celles de l’indice Russell 2000, présentent aujourd’hui un profil de rendement asymétrique. Les analystes d’Evercore ISI mettent en avant la perspective de rééquilibrages indiciels et l’éventualité d’une inflexion monétaire de la Fed dès le troisième trimestre.
Les secteurs bancaires et industriels regagnent également en attractivité. Wells Fargo a récemment relevé sa recommandation sur les valeurs financières, en s’appuyant sur la solidité des bilans et la résilience des marges dans un environnement de taux durablement élevés. Dans le même temps, les valeurs défensives – utilities et énergie en tête – attirent à nouveau les investisseurs en quête de rendement et de couverture contre l’inflation.
Enfin, la diversification géographique refait surface. Selon les dernières analyses de Charles Schwab, les actions européennes et japonaises se négocient à des niveaux historiquement décotés par rapport à leurs homologues américaines, avec en prime des perspectives de gains de change et de soutien budgétaire.
Que faire en cette fin de mois ?
Dans le contexte macrofinancier actuel, les recommandations s’articulent autour de quelques axes :
- Rester exposé, mais avec discernement : privilégier les entreprises de qualité, générant des flux solides, et offrant un rendement régulier.
- Se repositionner sur les cycliques et les petites capitalisations : en anticipation d’une politique monétaire potentiellement plus accommodante à partir de l’été.
- Maintenir des protections : via des options sur la volatilité ou des allocations défensives, en particulier si le portefeuille est fortement orienté tech.
- Surveiller attentivement les données macroéconomiques : les prochains indices CPI et PPI ainsi que les déclarations de la Fed seront déterminants pour les anticipations de taux au troisième trimestre.
Conclusion
Les marchés actions ne semblent pas encore avoir atteint leur sommet, mais ils sont clairement valorisés sur la base d’une hypothèse de perfection. Dans cette deuxième moitié de juin, l’heure n’est ni à l’euphorie ni au retrait total, mais à une gestion active, tactique, et sélective. La complaisance ne sera probablement plus récompensée – mais une conviction raisonnée, elle, peut l’être.
Références
Bloomberg Markets – S&P 500 Index; Reuters – « US Stocks-Bonds Warnings Flash Amber Again »; 11 juin 2025, Business Insider – Morgan Stanley Chart Sparks Optimism; 10 juin 2025; Bank of America – Global Strategy Outlook, 10 juin 2025, FactSet – Earnings Insight Q2 2025; Fidelity – Perspectives de marché mi-année 2025; Vanguard – Global Outlook Été 2025; Schwab – Analyse des marchés mondiaux, juin 2025; Wells Fargo – Note stratégique mensuelle, juin 2025; Evercore ISI – Note sur les petites capitalisations, 6 juin 2025 (source Bloomberg Terminal); CFRA – Données historiques mensuelles sur le S&P 500