Quand les marchés ne crient plus, mais murmurent.
La seconde moitié de juillet s’ouvre sur un paysage économique aussi complexe qu’évanescent. Ni tout à fait en crise, ni franchement en reprise, les marchés mondiaux avancent à pas feutrés, dans une atmosphère suspendue où chaque donnée – météo ou taux directeur – devient signal. Pour l’investisseur, ce n’est plus tant une question de stratégie que de discernement.
Contexte macroéconomique : une économie au ralenti mais encore en tension
La croissance mondiale poursuit son ralentissement. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit un PIB mondial à seulement 2,3 % en 2025, l’un des plus faibles hors période de récession. L’inflation, elle, reflue mais reste supérieure aux normes pré-pandémiques : selon l’OCDE, elle atteignait 4,0 % en mai 2025, tandis que le FMI table sur une inflation sous-jacente autour de 2,4 %.
Aux États-Unis, les marchés anticipent une potentielle baisse des taux d’ici la fin du troisième trimestre, sans certitude. En Europe, la Banque centrale reste prudente, empêtrée entre inflation résiduelle et activité économique fragile.
La Chine, souvent considérée comme l’alternative en période de stagnation occidentale, déçoit. Les exportations ralentissent, la crise immobilière persiste, et bien que des mesures de relance ciblées sur l’énergie propre et la consommation aient été annoncées, les investisseurs internationaux restent en retrait.
Commodités : retour au cœur du jeu
Loin d’un simple soubresaut, les matières premières reprennent leur statut central dans l’économie réelle.
Le pétrole, en particulier, redonne des signes de nervosité. En juin, le brent a bondi de 11,3 %, dopé par les réductions de quotas OPEP+, des tensions dans le Golfe du Mexique, et des incertitudes persistantes autour de l’Iran. Le World Bank Commodity Outlook prévoit néanmoins un prix moyen du Brent autour de 64 $/baril en 2025, une hypothèse de long terme qui pourrait être contredite en cas de choc géopolitique.
Les métaux, eux, évoluent selon leur propre logique. Le cuivre et le nickel enregistrent des hausses, alimentées par des sécheresses en Amérique latine affectant l’extraction. Mais c’est surtout le prix des engrais qui retient l’attention : une hausse de 7,3 % en juin, signalant une tension croissante sur les intrants agricoles.
Les investisseurs prennent désormais en compte ce que certains appellent la « prime verte » – le surcoût inhérent à une production respectueuse de l’environnement, aux normes ESG de plus en plus intégrées aux chaînes d’approvisionnement mondiales.
Produits agricoles : entre saisonnalité et incertitudes climatiques
Les marchés céréaliers entrent dans leur période la plus critique. Selon le Chicago Board of Trade, le maïs évoluait début juillet entre 4,20 et 4,37 dollars le boisseau, et le blé autour de 5,43 à 5,56 dollars, selon les données du Grain Farmers of Ontario. Ces cours reflètent à la fois les positions spéculatives et les premières inquiétudes liées aux conditions de pollinisation dans le Midwest américain.
Jusqu’ici, la météo est restée clémente, mais un simple pic de chaleur pourrait bouleverser ces équilibres.
Les cours du soja se maintiennent dans un couloir étroit, avec des contrats d’août évoluant entre 10,05 et 10,72 dollars le boisseau, selon ADM Investor Services. Là encore, la météo fait figure de banque centrale alternative : imprévisible mais décisive.
Du côté des matières premières « douces » comme le sucre ou le cacao, la volatilité est de retour. Les récoltes en Afrique de l’Ouest subissent des retards logistiques, et le Brésil connaît une pénurie de main-d’œuvre agricole. Le coût des engrais et de l’énergie pèse lourdement sur l’ensemble de la chaîne, rendant chaque tonne récoltée plus chère à produire, plus chère à transporter.
Ici aussi, les exigences sociales et environnementales transforment la logique des marchés. Le cacao équitable ou la canne à sucre sans déforestation ne sont plus de simples labels : ils deviennent des indicateurs de prime de marché.
Risques : climats extrêmes, tensions géopolitiques, fragilité financière
Le risque majeur à court terme ? Le climat. Juillet 2025 s’annonce comme l’un des plus chauds jamais enregistrés. Dans l’agriculture, le climat est devenu un acteur économique de premier plan. Comme une banque centrale invisible, il peut faire basculer les prix, désorganiser les flux, et modifier les anticipations.
La géopolitique demeure en toile de fond : du détroit de Taïwan au Sahel, les points de friction se multiplient. Pour l’instant, les marchés n’ont pas intégré de primes de risque significatives, mais certains signaux – comme la hausse des assurances maritimes – révèlent un état d’alerte croissant.
Enfin, le risque de liquidité reste sous-estimé. Si les valeurs technologiques dopées à l’IA attirent toujours les flux, le marché global est fragile. Une remontée des taux ou un retrait brutal de la prise de risque pourraient déclencher des corrections violentes, notamment dans les actifs trop endettés.
Perspectives pour investisseurs : des marges de manœuvre tactiques
- Énergie : Brent autour de 60–64 $/baril ; possibilité de rebonds tactiques, mais tendance baissière de fond si les tensions s’apaisent.
- Céréales :
- Maïs : tendance saisonnière baissière ; prévisions climatiques favorables, mais risque de retournement rapide.
- Blé : cours soutenus, mais sensibles aux conditions de semis dans les zones productrices.
- Soja : marché stable, mais sensible à la moindre anomalie climatique.
- Intrants agricoles & matières douces :
Les hausses de coûts et les tensions logistiques ouvrent des opportunités sur des segments ciblés : ETF agricoles, sociétés d’engrais ou producteurs certifiés.
Innovation en vue : au-delà des marchés classiques
De nouvelles classes d’actifs émergent discrètement : obligations souveraines indexées sur les matières premières, dérivés carbone, ou encore instruments de couverture climatique (comme les climate swaps adossés à des indices de précipitations ou de rendement). Ces outils, encore marginaux, attirent les fonds pionniers.
Conclusion : investir dans le murmure
La seconde moitié de juillet ne crie pas. Elle chuchote. Mais pour qui sait écouter, les signaux sont limpides. Là où les marchés suivaient autrefois le bruit, ils suivent désormais les silences : les tendances qui s’amorcent dans les sous-sols logistiques, les hausses discrètes des engrais, les appels d’offres publics orientés ESG.
Pour l’investisseur exigeant, ce n’est plus l’accélération qui prime, mais la capacité d’anticipation. Entrer tôt sur les métaux verts, la finance climatique ou l’agriculture régénérative, ce n’est pas parier sur juillet – c’est écrire dès maintenant le récit de 2026.
Sources
- FMI – World Economic Outlook, 2025
- OCDE – Suivi de l’inflation, mai 2025
- Banque mondiale – Commodity Markets Outlook, 2 juillet 2025
- Reuters – Prévisions pétrolières de la Banque mondiale, avril 2025
- ADM Investor Services – Résumé hebdomadaire des marchés, 7 juillet 2025
- Grain Farmers of Ontario – Tendances agricoles, 7 juillet 2025
- Price Group – Rapport sur les grains, 7 juillet 2025
- Barron’s / ADMIS – Sentiment de marché sur le maïs, juillet 2025