À la fin de l’année 2025, les grands agrégats macroéconomiques affichent une situation paradoxale : des taux de chômage mondial relativement bas et une reprise du marché du travail dans de nombreux pays, mais des fractures profondes qui se creusent entre les groupes sociaux, en particulier ceux déjà marginalisés (femmes, travailleurs peu qualifiés, jeunes sans qualification stabilisée et personnes occupant des emplois précaires).
1. Un chômage officiellement « bas »… qui dissimule des inégalités
Selon les dernières données de l’OCDE, le taux de chômage moyen dans les pays membres s’est maintenu autour de 4,9 % en mai 2025, un niveau historiquement bas depuis la crise post‑COVID‑19. Ce chiffre masque cependant des réalités très différentes selon l’âge, le genre et la situation socio‑économique (OECD).
- Le taux de chômage des femmes (5,1 %) était légèrement supérieur à celui des hommes (4,7 %) en mars 2025, signe que les écarts de genre persistent sur le marché du travail(OECD).
- Chez les jeunes de 15 à 24 ans, le chômage tourne autour de 11,1 %, soit plus du double de la moyenne générale(OECD).
Ces données montrent que, loin d’être uniformément partagé, le « progrès économique » bénéficie très inégalement aux différents segments de la population.
2. Une transformation technologique qui touche plus fortement les emplois féminisés
Un rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT) met en lumière l’impact différencié de l’intelligence artificielle sur les emplois selon le genre : les postes occupés majoritairement par des femmes sont exposés à une transformation par l’IA presque trois fois plus que ceux occupés par des hommes dans les pays à revenus élevés (Reuters).
Cela ne signifie pas que l’IA supprimera automatiquement ces emplois, mais bien que la nature des tâches évolue plus vite dans des fonctions déjà fragilisées, notamment celles liées aux tâches administratives et de secrétariat — des secteurs fortement féminisés (Reuters).
En outre, un rapport des Nations unies souligne que 27,6 % des emplois occupés par des femmes sont potentiellement exposés à l’IA générative, contre 21,1 % pour les hommes, reflétant la concentration de femmes dans des professions clericales ou éducatives davantage touchées par ces technologies (policy.desa.un.org).
3. Participation au travail et conditions de qualité inégales
Les données internationales montrent aussi que, même lorsqu’elles sont présentes sur le marché du travail, les femmes et les groupes marginalisés sont plus susceptibles d’occuper des emplois vulnérables, informels ou faiblement protégés.
Par exemple, dans de nombreuses régions, notamment en Afrique du Nord, en Asie du Sud et en Asie occidentale, la participation des femmes au marché du travail reste très inférieure à celle des hommes, souvent pour des raisons structurelles, réglementaires ou culturelles.
Et lorsqu’elles travaillent, les femmes gagnent en moyenne 77 % de ce que gagnent les hommes, et occupent seulement 30 % des postes de management à l’échelle mondiale, deux marqueurs solides des déséquilibres persistants (social.desa.un.org).
4. Une dynamique qui empire les fragilités existantes
L’économie mondiale d’aujourd’hui n’est pas simplement « plus automatisée », elle est organisée autour de logiques d’optimisation de la productivité, d’algorithmes décisionnels et de capital financier, qui accentuent les disparités structurelles existantes plutôt que de les corriger. Lorsque la technologie devient un outil de tri, d’évaluation ou de recrutement, sans garde‑fous humains, elle tend à reproduire les biais présents dans nos sociétés renforçant ainsi l’exclusion des plus vulnérables.
Conclusion
Les chiffres officiels de 2025 montrent une économie mondiale en apparence équilibrée, avec des taux de chômage bas. Mais l’analyse détaillée révèle que ces indicateurs lissent des inégalités profondes :
- Des écarts persistants entre hommes et femmes sur le marché du travail.
- Une transformation des emplois qui touche davantage les secteurs féminisés et les travailleurs faiblement qualifiés.
- Une participation au travail qui reste marquée par des divisions structurelles et des inégalités salariales still visibles.
Ce n’est pas une fatalité. Mais tant que la mutation technologique et économique n’est pas accompagnée de politiques sociales inclusives, d’investissements massifs dans la formation et d’un cadre juridique protecteur, les bénéfices du progrès continueront d’être captés par les plus favorisés, laissant les autres aux marges d’un système qui se réinvente plus vite qu’il n’intègre l’humain.
Sources
- OCDE, Unemployment Rates, May 2025 (taux de chômage global, par genre et par âge).
- OIT / ILO & Reuters, Impact de l’IA sur les emplois féminisés.
- UN World Economic Situation and Prospects, Exposition des emplois à l’IA selon le genre.
- World Social Report 2025 (ONU / OIT), Participation au marché du travail, rémunérations et leadership.