Alors que le monde entre avec hésitation dans l’année 2025, les métaux précieux se retrouvent malgré eux au cœur d’un drame économique qu’ils n’ont pas choisi. L’or, l’argent, le platine et le palladium ne sont plus de simples matières premières – ils sont devenus des tests de Rorschach reflétant nos angoisses collectives face à l’inflation, aux bouleversements technologiques et à l’effritement de l’ordre mondial. Ce qui suit n’est pas une prévision, mais une autopsie du futur.

1. L’Or : la dernière tentation

Dans la lueur déclinante du capitalisme tardif, l’or a achevé sa métamorphose : d’actif, il est devenu une idéologie. Son pic à plus de 2 400 $ l’once en 2024 (World Gold Council, T3 2024) n’a jamais été motivé par la joaillerie ou même l’investissement – c’était le marché anticipant un possible changement de régime monétaire.

Le paradoxe 2025 :

  • Les banques centrales accumulent l’or non pour diversifier leurs réserves, mais comme rempart contre les guerres monétaires (rapport du FMI sur les règlements bilatéraux, 2024).
  • Les investisseurs privés voient dans l’or physique une assurance hors système contre l’avènement des monnaies digitales (BlackRock Alternative Assets Review).
  • Le récit de l’or digital s’effondre : Bitcoin et l’or physique divergent – l’un reste un actif spéculatif, l’autre un acte de défiance.

« Nous n’achetons pas de l’or pour gagner de l’argent. Nous en achetons parce que nous pensons que l’argent pourrait cesser de fonctionner. » – Client anonyme d’une banque suisse.

2. L’Argent : le métal schizophrène

Si les métaux avaient une personnalité, l’argent serait en pleine crise existentielle. Son cours en 2025 ressemble à un électrocardiogramme :

Demande industrielle (cœur qui bat) :

  • 8 100 tonnes absorbées par le solaire (AIE, Énergies Renouvelables 2024).
  • 3 GWh de nouvelles batteries utilisant des électrodes en argent (MIT Energy Initiative).

Demande financière (Flatline) :

  • Les sorties d’ETF se poursuivent pour le 11e trimestre consécutif.
  • Les stocks du COMEX sont au plus bas depuis 2008.

L’année à venir déterminera si l’argent est :
a) Un pari sur la décarbonation
b) Une relique de la finance analogique
c) Les deux à la fois

3. Platine & Palladium : requiem pour le moteur à combustion

L’autopsie est sans appel :

Palladium (cause du décès : électrification) :

  • La demande au T2 2025 tombe sous les niveaux de 1999 (Johnson Matthey, données préliminaires).
  • Les stocks russes inondent le marché, créant un surplus temporaire.

Platine (résurrection par l’hydrogène) :

  • 1,2 million de véhicules à pile à combustible en circulation (Hydrogen Council, 2024).
  • Les coupures d’électricité en Afrique du Sud creusent le déficit structurel.

Pour la première fois, les deux métaux affichent une corrélation négative.

4. Les Cassandres de 2025 : cygnes noirs potentiels

  1. Défaillance des livraisons physiques (la LBMA active ses plans d’urgence).
  2. Embargo sur l’argent (le Mexique invoque la clause de sécurité nationale de l’USMCA).
  3. Retour à un standard platine (fuite d’un document des BRICS).

5. Le dilemme de l’analyste

2025 ne propose pas une thèse d’investissement, mais une série de questions existentielles :

  • La volatilité de l’or est-elle désormais inversement corrélée à la confiance dans les banques centrales ?
  • La demande industrielle de l’argent peut-elle compenser son abandon financier ?
  • Les métaux du groupe platine forment-ils encore un marché cohérent ?

Les métaux, eux, s’en moquent. Ils survivront à nos théories, à nos modèles, et peut-être à notre civilisation.

Sources:

  1. World Gold Council – Gold Demand Trends T3 2024
  2. FMI – Rapport sur les Mécanismes de Règlement Bilatéraux (juin 2024)
  3. AIE – Énergies Renouvelables 2024 : Matières Critiques
  4. Hydrogen Council – Rapport Mondial 2024
  5. Johnson Matthey – Données Préliminaires 2025 (projections février 2024)
  6. MIT Energy Initiative – Évaluation des Batteries Nouvelle Génération (2023)