La Chine vient de lancer un chantier titanesque au cœur des montagnes tibétaines : la future plus grande centrale hydroélectrique du monde, un projet aux dimensions sans précédent que le Premier ministre Li Qiang a qualifié de « projet du siècle ». Dévoilé par l’agence Reuters, ce chantier stratégique soulève autant d’opportunités d’investissement que de questions géopolitiques et environnementales.

Une puissance hydraulique colossale

Situé sur le fleuve Yarlung Tsangpo, ce complexe comprendra cinq barrages en cascade, avec une capacité totale estimée à 300 milliards de kilowattheures (kWh) par an – soit presque trois fois la production de l’actuel record mondial, le barrage des Trois Gorges, également en Chine.

Le coût total du projet s’élève à 167 milliards de dollars (soit environ 1 200 milliards de yuans), ce qui en fait l’un des investissements les plus importants de la décennie dans le domaine des infrastructures énergétiques.

Risques à anticiper

Malgré son potentiel, ce projet n’est pas sans zones de risque :

  • Tensions géopolitiques : Le fleuve traverse l’Inde et le Bangladesh, ce qui pourrait raviver des différends sur la gestion de l’eau.
  • Défis environnementaux : La région est écologiquement sensible et historiquement marquée par des conflits autour du déplacement de populations.
  • Enjeux d’exécution : L’altitude extrême, les contraintes logistiques et le climat alpin représentent un défi technique majeur.

Même si Pékin affirme vouloir limiter l’impact écologique, les grands barrages sont régulièrement critiqués au nom des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance).

Opportunités pour les investisseurs

Ce chantier de très grande ampleur pourrait générer des effets d’entraînement importants :

  • Croissance des énergies renouvelables : Il renforcera le mix énergétique chinois, créant des opportunités dans les secteurs du stockage d’énergie, des réseaux intelligents et de la modernisation des infrastructures.
  • Chaînes de valeur industrielles : Les entreprises actives dans les domaines suivants devraient être particulièrement concernées :
    • Dongfang Electric (SHA: 600875) – Fabricant majeur de turbines hydroélectriques.
    • China Energy Engineering Corp (HKG: 3996) – Concepteur et constructeur clé de barrages.
    • Sungrow Power Supply (SHE: 300274) – Leader en solutions de stockage et d’intégration réseau.
  • Portefeuilles ESG : Ce projet renforce l’engagement de la Chine à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Il entre ainsi dans le champ d’intérêt des ETF durables, fonds ISR et obligations vertes recherchant une exposition aux mégaprojets d’infrastructure verte.

Quel rôle pour l’Union européenne ?

Ce chantier spectaculaire interpelle l’Union européenne. Si l’Europe demeure en avance sur le plan réglementaire ESG, elle accuse un certain retard en matière de grands projets renouvelables.

Pourtant, cela pourrait devenir une opportunité : les ingénieries européennes spécialisées en hydraulique, audit ESG ou réseaux intelligents peuvent se positionner comme partenaires techniques ou sous-traitants dans des projets transnationaux, y compris dans le cadre d’accords liés à l’Initiative des Nouvelles Routes de la Soie.

Par ailleurs, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) pourrait inciter les entreprises chinoises exportatrices à accélérer leur transition énergétique, sous l’influence indirecte des standards européens.

Conclusion

Le chantier du Yarlung Tsangpo dépasse de loin la simple ambition énergétique. Il s’inscrit dans une dynamique mondiale où souveraineté énergétique, climat et technologie convergent. Pour les investisseurs, c’est un signal fort : les infrastructures vertes de très grande échelle vont redéfinir les rapports de force économiques.

À condition d’être sélectifs et bien informés, les investisseurs peuvent y voir un vecteur de croissance durable, à l’intersection du rendement financier et de l’impact environnemental.

Sources : Reuters, China State Council Information Office, Hydro Review Journal, IEA (International Energy Agency), Bloomberg Green, European Commission, Morningstar, World Resources Institute (WRI)