À l’orée de septembre, les marchés abordent le dernier trimestre 2025 avec un mélange de vigilance et d’opportunisme. Selon le FMI, la croissance mondiale devrait avoisiner les 3 % cette année, une performance qui masque un paysage contrasté : les économies avancées peinent à s’extraire de la contrainte monétaire, tandis que plusieurs émergents conservent une dynamique robuste.
Les États-Unis et la Chine en pôles d’influence
Aux États-Unis, la vigueur du marché du travail continue de soutenir la consommation. Mais les taux d’intérêt durablement élevés pèsent sur le crédit et sur l’immobilier. La politique industrielle fédérale (de l’Inflation Reduction Act aux subventions pour les semi-conducteurs) conforte toutefois les secteurs stratégiques liés à la transition énergétique et au numérique.
La Chine reste un acteur ambivalent : fragilisée par son immobilier, mais galvanisée par ses investissements massifs dans les véhicules électriques, les batteries et l’intelligence artificielle. Pékin influence directement les cours des métaux critiques, tels que le cuivre, le lithium et le cobalt, dont la demande mondiale dépasse l’offre.
L’Europe, elle, demeure en retrait. La consommation atone, les coûts énergétiques et les incertitudes budgétaires pèsent sur la reprise. Mais le Vieux Continent exerce une influence normative déterminante : les nouvelles obligations de transparence imposées par la CSRD et le devoir de vigilance des chaînes d’approvisionnement (CSDDD/CS3D) redessinent les pratiques des entreprises et orientent les capitaux vers des projets plus durables.
Matières premières : entre tension et opportunités
L’indice des prix alimentaires publié par la FAO reste en hausse de près de 7 % sur un an, tiré par la viande, les huiles et le sucre. Les politiques de biocarburants accentuent cette pression, réduisant l’offre disponible pour l’alimentation. Ces tensions alimentent l’inflation dans les pays importateurs, mais ouvrent aussi des perspectives d’investissement dans l’agritech (semences résistantes, irrigation intelligente), la logistique et les assurances climatiques.
Sur le front des minerais critiques, le déséquilibre s’installe. La transition énergétique impose une demande accélérée, tandis que les délais d’ouverture de nouvelles mines ralentissent l’offre. Les prix du cuivre et du lithium s’envolent, renforçant l’intérêt pour le recyclage des batteries et les solutions de circularité.
Crises et politiques monétaires
Les crises géopolitiques (du Moyen-Orient à l’Europe de l’Est) ravivent la volatilité des marchés de l’énergie. L’Union européenne reste exposée à toute flambée des prix du gaz ou du pétrole, ce qui complique le travail d’une Banque centrale européenne déjà contrainte de maintenir des taux élevés face à une inflation sous-jacente persistante.
Aux États-Unis, la Fed adopte la même prudence. Résultat : le coût du capital restera élevé dans les prochains trimestres, pénalisant les entreprises très endettées, mais soutenant les actifs de qualité et les obligations à court terme.
ESG : un nouveau terrain d’opportunités
La politique européenne en matière d’ESG est sans doute l’un des changements structurels les plus notables de 2025. La généralisation des standards de reporting et du devoir de vigilance accroît la transparence, mais renchérit les coûts de conformité. Pour les investisseurs, ces normes deviennent un outil précieux de sélection. Elles soutiennent l’essor de nouveaux marchés: blockchain de traçabilité, intelligence artificielle appliquée à la conformité, cabinets d’audit spécialisés, obligations vertes indexées sur des objectifs mesurables.
Entre prudence et audace
À l’approche de l’hiver, les investisseurs font face à une équation délicate : une économie mondiale résiliente mais vulnérable aux chocs géopolitiques et climatiques, des taux d’intérêt durablement élevés, et une réglementation ESG qui bouleverse les chaînes de valeur.
Les opportunités ne manquent pourtant pas : recyclage et économie circulaire pour sécuriser l’accès aux métaux, agriculture de précision pour faire face aux aléas climatiques, infrastructures de proximité liées au mouvement de « nearshoring », ou encore finance durable appuyée sur des indicateurs transparents.
La conclusion s’impose : diversifier avec prudence, investir avec sélectivité. L’avenir des marchés se jouera moins sur la recherche d’un rendement rapide que sur la capacité à capter les grandes tendances de long terme, celles qui redessinent déjà l’économie mondiale.
Sources
- Fonds monétaire international (FMI), World Economic Outlook Update, juillet 2025.
- Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), FAO Food Price Index, août 2025.
- Reuters, « World food prices at 2-year high on rising meat and edible oils, FAO », 8 août 2025.
- Agence internationale de l’énergie (AIE/IEA), Global Critical Minerals Outlook 2025, mai 2025.
- The Guardian, « Copper supply to fall 30% short of demand by 2035, says IEA », 21 mai 2025.
- The Wall Street Journal, « Critical Minerals Supply Risks Mount Amid China’s Grip, Export Curbs », 2025.
- Banque centrale européenne (BCE), Compte rendu de politique monétaire, été 2025.
- Federal Reserve (Fed), Minutes of the Federal Open Market Committee, juillet 2025.
- Commission européenne, Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD/CS3D), textes consolidés 2025.