Il suffit d’observer la place qu’une société accorde aux mères pour comprendre sa véritable nature. Là où elles sont soutenues, la confiance circule, les enfants grandissent dans la stabilité et l’économie trouve des racines profondes. Là où elles sont négligées, c’est tout un monde qui se fragilise : pauvreté intergénérationnelle, natalité en berne, tensions sociales accrues.
Les chiffres le disent avec une froide clarté : selon l’Organisation internationale du travail, plus de 113 millions de femmes en âge actif quittent ou n’entrent pas sur le marché du travail faute de structures adaptées à la maternité. Ce retrait n’est pas une donnée marginale, c’est une brèche dans le potentiel productif du monde.
L’ultracapitalisme, avec son obsession de rentabilité immédiate et sa logique de coût à réduire, ne propose pas de remède. Il transforme la maternité en handicap économique, un « temps mort » dans la logique de production, et dresse un mur invisible entre les femmes et les carrières auxquelles elles aspirent. C’est un système qui épuise ses ressources humaines aussi sûrement qu’il épuise ses sols et ses forêts. En refusant de reconnaître la valeur sociale et économique du soin, il scie la branche sur laquelle il prétend bâtir sa prospérité.
D’autres voies existent pourtant. Les pays qui ont fait le choix d’un capitalisme régulé et inclusif démontrent qu’il est possible de concilier compétitivité et justice sociale. Les mères y sont protégées par des congés parentaux généreux, des structures de garde accessibles et des programmes de retour à l’emploi. Résultat : non seulement les inégalités se réduisent, mais la croissance se nourrit de cette participation accrue des femmes, et la société conserve un souffle démographique qui lui permet de regarder l’avenir avec confiance.
Le véritable enjeu n’est pas d’opposer capitalisme et anti-capitalisme. Il s’agit de repenser la hiérarchie des valeurs qui structurent l’économie. Un modèle optimal est celui qui considère la maternité non comme un coût, mais comme un investissement collectif. Car chaque mère sécurisée, chaque famille soutenue, c’est un enfant mieux éduqué, un futur citoyen en meilleure santé, un socle de stabilité pour la communauté tout entière.
Ne pas emprunter cette voie, c’est accepter un monde fragmenté, épuisé, où la logique de court terme finit par miner les fondations de la prospérité. La véritable question n’est pas : « pouvons-nous soutenir les mères ? » mais : « comment imaginer une économie viable sans elles ? »