Alors que nous entrons dans le second semestre de 2025, l’industrie lourde se trouve à un carrefour stratégique, tiraillée entre les impératifs de décarbonation et les réalignements géopolitiques. La performance du secteur reposera sur trois piliers : le rythme des investissements dans la transition énergétique, l’évolution des flux commerciaux, et la redéfinition des industries dites « stratégiques » dans un monde multipolaire.

L’ére de l’ESG : du volontaire à l’obligatoire

Le paysage réglementaire s’est considérablement durci. Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) de l’UE couvre désormais 100% des émissions pour les importations d’acier, d’aluminium et de ciment (Commission Européenne, janvier 2025), créant un marché à deux vitesses où les producteurs sobres en carbone bénéficient de primes de 15 à 20% (CRU Group, T2 2025). Cette dynamique a accéléré les consolidations, avec ArcelorMittal (MT) rachetant deux mini-usines européennes pour renforcer ses capacités de production électrique, tandis que les retardataires comme China Baowu Steel voient leur accès aux marchés premium se réduire.

Aux États-Unis, malgré les turbulences électorales de 2024, les dispositions clés de l’Inflation Reduction Act (IRA) ont été préservées. Les crédits d’impôt 45Z pour l’acier vert ont stimulé une vague d’investissements dans les usines de réduction directe du fer (DRI) (Rhodium Group, mai 2025). Nucor (NUE) et SDI (STLD) se distinguent, ayant sécurisé 70% de leur approvisionnement énergétique via des sources renouvelables, les protégeant ainsi de la volatilité des prix du gaz.

Matières Premières : entre triomphes et naufrages

Le supercycle du cuivre s’accélère

Le déficit mondial de cuivre atteint désormais 500 000 tonnes métriques (Wood Mackenzie, juin 2025), porté par la construction de data centers dédiés à l’IA (nécessitant 2 à 5 fois plus de cuivre que les installations traditionnelles) et les retards dans les approbations de mines au Pérou et au Chili.

Freeport-McMoRan (FCX) est devenu une cible de prédilection, avec Glencore et BHP en phase de due diligence avancé.

Le paradoxe énergétique de l’aluminium

Les fonderies du Moyen-Orient (EGA, Alba) fournissent désormais 40% de l’aluminium européen (contre 25% en 2022), alors que les coûts énergétiques exorbitants entraînent des fermetures d’usines en Europe.

Un nouveau contrat à terme pour l’« aluminium vert » (produit avec <3 tonnes de CO2/tonne) a vu ses volumes bondir de 300% sur un an (LME, T2 2025).

L’effondrement du nickel

La surproduction de nickel latéritique indonésien a fait chuter les prix à 14 000 $/tonne, provoquant la faillite de 15% des producteurs mondiaux (Benchmark Minerals, mai 2025).

Seuls les acteurs intégrés comme Vale (VALE), alimentés par l’hydroélectricité canadienne, restent rentables.

Géopolitique : les mouveaux jeux d’Influence

Détente Sino-Américaine sur les Terres Rares : L’Accord sur les Minéraux Critiques de 2025 a assoupli les contrôles à l’exportation, profitant à MP Materials (MP) mais pénalisant les juniors australiennes.

L’Ascension de l’Inde dans l’Acier : Avec 120 millions de tonnes de nouvelles capacités (majoritairement basées sur le charbon), l’Inde a dépassé le Japon comme deuxième producteur mondial (World Steel Dynamics, 2025).

L’OPEP des Minéraux des BRICS+ : La Russie, l’Afrique du Sud et l’Iran testent un cartel pour les métaux du groupe du platine et le chrome.

Guide de l’investisseur éclairé pour le S2 2025

1. Surpondérer :

  • L’acier propre nord-américain (NUE, STLD, CLF)
  • Les producteurs de cuivre avec des actifs de premier ordre (FCX, SCCO)
  • Les alliages stratégiques liés à la défense (ATI, HII)

2. Éviter :

  • Les producteurs de nickel non intégrés
  • Les fonderies européennes sans contrats d’énergie renouvelable (PPA)
  • Les exportateurs d’acier chinois (exposition au CBAM > 20% de l’EBITDA)

3. Parier sur les outsiders :

  • Lithium Americas (LAC) : La mise en service de Thacker Pass pourrait coïncider avec un rebond des prix
  • Constellium (CSTM) : La demande d’aluminium aérospatial dépasse l’offre

Conclusion : l’adaptabilité, maître mot

Les industries lourdes qui prospéreront au second semestre 2025 ne seront pas nécessairement les moins chères, mais les plus agiles. Les investisseurs devront scruter autant les bilans carbone et les contrats d’énergie verte que les résultats financiers. Dans ce contexte, l’« ancienne économie » se réinvente sous nos yeux, offrant des opportunités considérables à ceux qui saurant anticiper.

Sources : FMI, Banque Mondiale, S&P Global, BloombergNEF, Reuters, Citi Research, Goldman Sachs – Projections pour juin-juillet 2025.